Rendre compte de la valeur de son action est devenu un enjeu stratégique majeur pour toute organisation, publique et privée. Il ne suffit plus d’être performant pour être pertinent. Il est indispensable de garantir aussi la cohérence de ses actions, la cohésion des acteurs impliqués et la pérennisation des ressources nécessaires à l’action. Ces exigences obligent à appréhender de manière systémique son activité, de la valorisation de ses actifs à l’analyse des effets de son action sur l’ensemble de l’écosystème.
18 ans de recherche empirique ont permis de modéliser une approche systémique de la valeur telle qu’elle est schématisée ci-dessous (Voir détail dans le cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) »). Elle est le fruit d’un dialogue de gouvernance régulier avec plus de 500 organisations représentatives de la diversité des profils d’acteurs, et des programmes d’études de l’Observatoire des partenariats. Elle traduit une nouvelle « économie de l’alliance ».
Modélisation systémique de la « prime à l’alliance »
Face à la raréfaction des ressources et l’accroissement des fragilités, l’ensemble des modèles – publics et privés – est en profond bouleversement. Pour garantir un équilibre socio-économique durable et inclusif, il convient aujourd’hui de ne pas seulement analyser les choses au travers de son prisme interne, mais aussi du point de vue de son écosystème. Cet exercice de « décentrage » est complexe, et oblige à un « ré-enracinement » de ses systèmes de pilotage. Cette analyse doit se faire à 5 niveaux successifs[1], de la racine (les actifs mobilisés) aux fruits (les résultats et les impacts).
Sur le plan des enjeux… et des envies : il s’agit d’élargir le champs de vision. A celle du processus organisationnel traditionnel, il convient d’ajouter en amont le « 1er kilomètre des (vrais) besoins » de son (ses) Territoire(s) d’influence, et en aval la capacité à mobiliser les engagements aptes à assurer une agilité de l’action dans un contexte en constante évolution. Les résultats à un instant T ne suffisent donc plus à rendre compte de la performance de son action[2]. Pour le comprendre, il s’agit de « descendre » d’un niveau : celui de la proposition de valeur de l’action engagée.
Sur le plan de la proposition de valeur : là encore les méthodes traditionnelles de calcul sont limitées. Au-delà du produit + service + marque / prix, il s’agit aujourd’hui d’intégrer les « efforts » d’accessibilité, mais aussi les interactions induites qui sont encore souvent « sous les radars[3] ». Pour les comprendre, il faut donc descendre encore d’un niveau : celui de la chaine de valeur.
Sur le plan de la chaine de valeur : c’est sans doute à ce niveau que les analyses sont les plus limitées. Une compréhension de la chaine de valeur interne est déjà une pratique importante, mais elle ne suffit pas à comprendre les interactions avec son écosystème externe, qui ne se limite pas aux « fournisseurs » et « clients ». De plus, les infrastructures et les ingénieries externes sont quasiment systématiquement absentes des analyses de la valeur. Pourtant, « l’équilibre de la Maison » sur lequel repose l’action est bien souvent dépendant de ces interactions. La crise de la Covid-19 en 2020 l’a brutalement rappelé. Il est donc urgent d’analyser les risques et les opportunités de ces interconnexions[4]. C’est au niveau inférieur, au plan socio-économique, que repose cette capacité à sécuriser les liens structurels nécessaires.
(Pour aller plus loin, cf. Identifier sa chaine de valeur interne et externe).
Sur le plan du modèle socio-économique : la « révolution copernicienne » consiste à sortir du seul ratio capital/travail qui régule les théories économiques depuis l’émergence des agents économiques du milieu du XIXème siècle, pour y inclure un 3ème levier régulateur : les alliances stratégiques avec son écosystème, tant pour créer de la valeur que pour assurer la frugalité nécessaire aux transitions en cours[5]. Cette (re)découverte du 3ème pilier qui structure tout équilibre socio-économique est au cœur de la capacité à (ré)concilier économie et intérêt général. Elle concerne tous les profils d’acteurs, des institutions aux citoyens, pour comprendre les nouveaux équilibres possibles. L’économie au sens premier c’est « l’équilibre de la Maison », et pour chacun il repose à la fois sur les richesses humaines, les ressources financières et les nouvelles alliances. C’est le fondement de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable qui se donne comme 17ème Objectif : comment allons-nous pouvoir réussir ensemble ce qu’aucun d’entre nous ne saurait faire seul ? Il n’était pas de trop de se donner 15 ans pour répondre à cette question structurelle, voire ontologique… et, aux deux-tiers du chemin, il n’est pas trop tard pour réussir ce challenge. Pour cela, il est nécessaire d’établir avec précision les actifs dont chacun dispose, ce qui nous amène au 5ème niveau de toute analyse structurelle de qualité.
(Pour aller plus loin, cf. Définir sa trajectoire socio-économique).
Sur le plan des actifs : au capital matériel, il est nécessaire de valoriser aussi le capital immatériel. 50 ans après le discours historique d’Antoine RIBOUD qui en ouvre la voie en 1972, la diversité des capitaux immatériels est aujourd’hui (re)connue… mais tout dirigeant qui souhaite pérenniser son action se doit d’intégrer aussi les envies et la confiance acquise. Or ces dernières sont fragiles ; elles se constituent par goutte à goutte… et se vident par seaux ! Nous devons collectivement prendre garde aux discours performatifs et aux promesses sans lendemain qui laissent des traces aussi imperceptibles qu’indélébiles sur notre capacité collective à construire un Avenir en « Commun(s)[6] ».
L’analyse systémique de ces 5 niveaux permet d’anticiper les risques, ainsi que de mobiliser l’engagement.
[1] Cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) » (Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts & Le RAMEAU, 2023)
[2] Plateforme « l’innovation territoriale en Actions » pour mieux connaitre son écosystème
[3] Plateforme (à découvrir le 17 novembre 2024) et kit pratique « Piloter l’innovation sociétale » pour qualifier la valeur de son offre
[4] Boussole de l’ODD 17 en pratiques pour mieux se repérer dans liens induits avec son écosystème
[5] Référentiel « Modèles socio-économiques d’intérêt général » et plateforme « Trajectoires socio-économiques »
[6] Livre « Commun(s) » : discours de la méthode vers le Pari de la confiance (Fondation pour la Co-construction du bien commun, oct. 2023)